Au secours du patrimoine rural
Non protégés au titre des Monuments historiques, de nombreuses constructions restent néanmoins d’importants témoignages de notre passé. La Fondation du patrimoine se fait un devoir de les sauver.
Quand on parle de patrimoine, on entend souvent grands monuments, châteaux ou autres cathédrales. Il existe pourtant, plus près de nous, des témoins tout aussi importants de notre histoire, même s’ils ne sont pas protégés au titre des Monuments historiques. Puits, lavoirs, fontaines, pigeonniers, croix, calvaires, anciens fours, vieilles fermes… sont autant d’éléments qui parlent de notre passé. Souvent cependant, ils sont laissés à l’abandon et menacent de disparaître. Pour les valoriser, la Fondation du patrimoine a été créée en 1996. Cet organisme privé à but non lucratif apporte son soutien aux collectivités et aux propriétaires privés (lire encadré) qui souhaitent sauvegarder le patrimoine rural bâti.
Sur la Côte Sud des Landes, elle a dernièrement mené une opération afin de restaurer la ferme de Bielle à Soorts (JdP n° 73 et 76). Acquis par la municipalité en 2001 afin de conserver un témoignage du patrimoine rural de ce quartier d’Hossegor, l’édifice présentait des couvertures et une charpente en mauvais état. Leur restauration était estimée à 98 000 €. Adhérente à la Fondation, la commune a sollicité une subvention. Après avoir mis en place une souscription publique pour recueillir 5 % du montant des travaux, elle a obtenu 12 000 €. «Pour chaque dossier que nous soutenons, nous exigeons la mise en place d’une souscription publique, indique Danièle Neill, déléguée départementale de la Fondation du patrimoine. En mobilisant la population pour recueillir des fonds, qui sont déductibles de l’impôt sur le revenu, nous voulons que les gens de la commune s’approprient le patrimoine local.»
A Hossegor, la formule a fonctionné à merveille et la ferme de Bielle a aujourd’hui une nouvelle toiture. Le maire, Pierre Dussain, est ravi et espère toujours pouvoir ouvrir le lieu au public. Reste à savoir pour quel usage. Une réunion avec les généreux donateurs a permis de faire émerger quelques pistes. L’édile, lui, y verrait bien «un lieu d’exposition temporaire pour des œuvres d’art contemporain»… Toujours est-il que dans le but d’en savoir toujours plus sur ce vestige de la vie rurale à Soorts, la mairie a chargé la Sadipac (association pour la Sauvegarde et la diffusion du patrimoine culturel du Sud-Ouest des Landes) de faire des recherches sur les origines familiales des propriétaires successifs du bâtiment qui semble avoir été géré sans discontinuité de la fin du xviie siècle à nos jours.
Trois projets aidés chaque année
Si le succès a été total à Hossegor, Danièle Neill déplore un manque de sollicitations de la part des communes landaises. Un reproche que n’accepte pas Ladislas de Hoyos, maire de Seignosse. «Pour restaurer notre église, nous avons fait une demande, mais notre dossier a été refusé», souligne-t-il. Hélas, les édifices religieux sont ceux pour lesquels la Fondation reçoit le plus de demandes et des sélections doivent être faites. «Nous étudions les dossiers en fonction d’un certain nombre de critères, reprend Danièle Neill. L’intérêt patrimonial du bâtiment, sa qualité architecturale, la mobilisation de la population et les finances de la commune. Il est vrai que nous sommes plus enclin à aider les très petites communes que celles qui ont les moyens. De plus, chaque année, sur les trois projets que nous accompagnons, nous sélectionnons au moins un bâtiment civil.» C’est pour sauvegarder ce type d’édifice qu’elle a le plus de mal à mobiliser les élus.
A Soustons, par exemple, il y a bien une demi-douzaine de lavoirs dont «certains commencent à être délabrés ou dégradés», reconnaît le maire Charles Mauvoisin. Mais dans le budget communal, «il y a tellement de choses à faire, comme des écoles, des salles de sports…» que leur réfection passe au second plan. La Fondation du patrimoine souffre aussi d’un manque de reconnaissance. Chaque mairie est destinataire, deux fois par an, d’une lettre d’information, mais peu d’élus semblent y prêter attention. Ainsi à Moliets, alors que la municipalité souhaite restaurer le Pourrut de Maâ (JdP n° 70), personne n’a pensé à solliciter la Fondation. Enfin, certaines communes sont rebutées par l’idée de devoir mettre en place une souscription publique. Pourtant, les opérations de réhabilitation de patrimoine de proximité trouvent un écho très favorable auprès de la population. «Sur les quinze souscriptions que nous avons lancées à ce jour, toutes ont atteint les 5 % du montant des travaux exigés», assure Danièle Neill.
Fonds d’Etat et mécénat
Pour soutenir les projets publics, la Fondation du patrimoine dispose de plusieurs financeurs, au premier rang desquels se situe l’Etat. Chaque année, des gens décèdent sans héritiers et leurs biens lui reviennent. Un pourcentage de la vente de ces biens est reversé à la Fondation du patrimoine. C’est avec cette somme aléatoire d’une année sur l’autre que Danièle Neill peut aider trois projets.
La Fondation tire également une partie de ces fonds du mécénat d’entreprises. Un partenariat a ainsi été monté avec Veolia environnement qui soutient des projets de restauration de patrimoine lié à l’eau (lavoirs, moulins, ponts…) situé dans les parcs naturels régionaux de France. Total s’est pour sa part engagé à hauteur de huit millions d’euros sur trois ans et a déjà soutenu neuf projets. Dans les Landes, le groupe pétrolier a aidé à la restauration du château d’Aon à Hontanx. Et d’autres partenariats vont se mettre en place, notamment avec le groupe Intermarché. De quoi sauver encore quelques vieilles pierres des attaques du temps…
Pour les particuliers aussi
A l’instar des collectivités, les propriétaires privés peuvent eux aussi bénéficier du soutien de la Fondation du patrimoine. Dans ce cas, ce n’est pas une subvention, mais un label qui est attribué. Il donne droit à des conseils personnalisés pour la mise en œuvre du projet de réhabilitation, et à des déductions fiscales incitatives.
Pour en bénéficier, il faut être propriétaire d’un bâtiment visible depuis une voie publique, présentant un intérêt patrimonial (la notion est très large), et être assujetti à l’impôt sur le revenu. Après un avis favorable de l’architecte des Bâtiments de France, les travaux extérieurs visant à sauvegarder l’édifice dans ses caractéristiques d’origine (toitures, façades, huisseries…) sont éligibles au label.
Une grande souplesse est laissée au propriétaire lors de la restauration. Il n’y a ainsi pas d’exigence d’ouverture du bâtiment au public. D’autre part, les artisans et les entrepreneurs peuvent être librement choisis dès lors que les prescriptions de l’architecte des Bâtiments de France sont suivies.
Le label en poche, le propriétaire dispose de cinq ans pour effectuer les travaux. Il peut déduire 50 % de leur montant de son revenu imposable. Cette somme peut même monter à 100 % (avec un seuil de 10 700 €) si les travaux ont obtenu au moins 20 % de subventions. Si l’immeuble est donné en location, le propriétaire peut alors déduire de ses revenus fonciers 100 % du montant des travaux, sans application du seuil des 10 700 €.
Pour obtenir un dossier de demande de label, contacter Danièle Neill au 05 58 44 34 48