Grand cœur tchanqué
Du 13 juin au 13 juillet, le Soustonnais Frédéric Lager a parcouru 1 200 kilomètres sur des échasses. Un défi tant sportif que caritatif.
Que ce soit au travers du folklore ou du sport, les échasses ont toujours fait partie de la vie de Frédéric Lager. Très attaché au patrimoine, il a longtemps fait partie de l’association Lous Cadetouns qui perpétue à travers le monde le souvenir des bergers tchanqués (équipés d’échasses en gascon) du xixe siècle. Attiré par les défis que se lançaient les échassiers du xxe siècle, «notamment Sylvain Dornon qui rallia Paris à Moscou en 1891», il apprécie également la dimension sportive de la discipline. Après avoir participé, perché, aux dix kilomètres de Soustons, aux quinze kilomètres de Seignosse, aux vingt kilomètres de Moliets, et même gravi le col de l’Aubisque (Pyrénées-Atlantiques), Frédéric Lager s’est lancé cette année, un défi d’une tout autre envergure : parcourir près de 1 200 kilomètres de Roscoff (Finistère) à Soustons, le long de la Vélodyssée (JdP n° 110).
«Cela faisait bien cinq ou six ans que j’avais envie de me lancer dans une telle aventure pour essayer de comprendre ce que Sylvain Dornon et d’autres avaient pu ressentir, et repousser mes propres limites. Mais encore fallait-il trouver le bon itinéraire. Sur route, il est difficile d’être vu. Or un tel projet devait reposer sur la sécurité. Une piste cyclable qui part de Roscoff et qui passe par Soustons, c’était une aubaine pour un tel défi !»
En parcourant cette distance, à raison d’une moyenne de 50 kilomètres par jour, Frédéric Lager entendait, au-delà de l’exploit sportif, promouvoir le patrimoine culturel landais. Mais il voulait également y associer et faire connaître une association caritative. «A Soustons, il y en a deux qui me tenaient à cœur. “Au cœur des jumeaux” récolte des fonds pour pouvoir installer des défibrillateurs dans les enceintes sportives afin qu’ils puissent être utilisés pour les sportifs mais également pour le public qui assiste aux rencontres. C’est une belle initiative, mais cette association est déjà beaucoup médiatisée. En revanche, “Les Amis de Marius” avait besoin d’un coup de projecteur. Elle contribue à une meilleure qualité de vie des enfants atteints d’une tumeur cérébrale, en essayant de réaliser un de leurs rêves. Leur combat m’a touché, et j’ai voulu les aider. Mais dans cette histoire, ils m’ont apporté autant si ce n’est plus que ce que j’ai pu faire pour eux… Sans cette association, j’aurais certainement été content d’avoir relevé le défi… mais je n’aurais pas ressenti autant de bonheur.»
Car au-delà de tout, le périple de Frédéric Lager a été une véritable aventure humaine. A l’automne dernier, quand il s’est «senti prêt» et a dévoilé ses intentions à ses proches, une immense chaîne de solidarité s’est mise en place autour de lui. «Personne ne m’a dit que j’étais fou. Ils ont immédiatement été derrière moi, prêts à donner un coup de main.» Logistique, recherche de partenariats, rédaction de communiqués de presse… une quinzaine de personnes se sont engagées à ses côtés pour lui permettre d’aller jusqu’au bout de son projet. «Des gens dont l’intérêt principal n’est pas le profit personnel mais le partage, ça existe encore !»
D’ailleurs, tout le périple de l’échassier repose sur la générosité et la solidarité. En partageant son aventure sur les réseaux sociaux, une nouvelle chaîne humaine se crée : celle des familles qui l’ont accueilli à la fin de chaque journée de marche. «Marcher, subir les intempéries, rencontrer des problèmes techniques… je m’étais préparé à beaucoup de choses. Mais pas à cet accueil. Tous les jours, un inconnu venait me chercher à la fin de mon étape pour m’emmener chez lui, et c’était comme si on se connaissait depuis des années. Les échanges, la complicité, la convivialité, c’est certainement un des meilleurs souvenirs que je garderai de cette aventure.» Au total, vingt-cinq familles se sont portées volontaires pour l’héberger durant son périple.
Mais des «rencontres formidables», Frédéric Lager en a également fait tout au long de la route. «J’ai rencontré des centaines de personnes. Les gens hallucinaient de me voir. Imaginez quand j’ai traversé une ville comme Nantes sur des échasses… Les contacts se faisaient automatiquement. Je distribuais des cartes de visite avec les coordonnées de l’association, et j’avais un discours assez bien rodé, car il s’agissait de ne pas s’arrêter trop longtemps à chaque fois, car il y avait tout de même 50 kilomètres à faire ! Mais j’ai été étonné par le nombre de gens qui se lancent des défis et qui enchaînaient, comme moi, des centaines de kilomètres le long de la Vélodyssée. Nous échangions nos expériences. Et il y avait beaucoup d’entraide et de partage pour l’eau ou la nourriture. J’ai vécu des moments exceptionnels.»
Parti le 13 juin de Roscoff, Frédéric Lager a rallié Soustons le 13 juillet, à l’occasion du centenaire des arènes. Fatigué, amaigri, mais heureux, les yeux encore remplis des «paysages sublimes» qu’il a traversés, des «personnes extraordinaires» qu’il a croisées, du «sentiment de liberté profonde» qu’il a ressenti du haut de ses échasses, et des 5 000 € qu’il a pu récoltés pour l’association. D’autres idées de défi, il en a plein la tête. Mais pour l’instant, il aspire juste à «digérer» celui-là. «Lentement.»
Les Amis de Marius
Créée le 15 avril 2012, l’association Les Amis de Marius s’est constituée autour d’un petit garçon de 7 ans atteint d’une tumeur au cerveau (gliome infiltrant du tronc cérébral), afin de réaliser un de ses rêves. Après le décès de Marius à peine un mois plus tard, l’association a décidé de poursuivre son combat afin de réaliser le rêve d’autres enfants atteints de la même pathologie et en apportant une assistance morale, humaine, administrative et matérielle à leurs familles. Elle a également mis en place un partenariat avec l’unité pédiatrique de l’hôpital de Dax afin d’offrir chaque année un spectacle de Noël et des cadeaux aux enfants hospitalisés. Elle soutient enfin les associations de recherche contre les tumeurs cérébrales.
Rens. : amisdemarius.blogspot.fr
Les dons sous forme de chèque peuvent être adressés à : Les Amis de Marius, 26 allée des Tourterelles, 40140 Soustons
Le défi en chiffres
1 200 kilomètres parcourus en un mois.
25 étapes d’une cinquantaine de kilomètres.
8 à 12 heures de marche par jour selon les terrains.
Un sac à dos de 12 kg pour seul bagage contenant, outre quelques vêtements, une petite pharmacie et un nécessaire de réparation d’échasses, 1 000 cartes de visite aux coordonnées de l’association.
Un chute mémorable quand une des échasses s’est brisée, juste avant Royan (Charente-Maritime). Bilan : le nez et le front égratignés, un poignet endolori et la tête comprimée par le sac à dos lors du contact avec le sol… Mais un moral à toute épreuve. «J’en ai vu qui sont tombés en vélo et qui se sont ouverts jusqu’à l’os, alors je ne me plains pas», plaisante Frédéric Lager. D’autant que «l’incident était prévu» et qu’une deuxième paire d’échasses flambant neuves était prête à partir de Soustons en Chronopost. Elle est arrivée dès le lendemain dans la famille d’accueil du moment et a permis à l’échassier de reprendre sa route.
5 000 € récoltés pour Les Amis de Marius.
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