Les Jardins du Gouf vont cultiver la biodiversité
Le club des Aquanautes souhaite immerger un récif artificiel récréatif et participatif de 25 hectares au sud du canyon sous-marin. Un projet totalement inédit en France.
Avec plus de 250 licenciés, le club des Aquanautes est le plus gros club de plongée des Landes. Créée en 2014, la structure associative propose un large choix de formations à la découverte des fonds marins, depuis l’initiation (à partir de 8 ans) jusqu’au diplôme d’encadrant grâce à son école de formation. Le club loue également du matériel pour explorer – guidé ou en autonomie – épaves, affleurements rocheux et autres merveilles aquatiques de la région.
«Pour les débutants, nous proposons le site du pont Notre-Dame qui est très riche en vie sous-marine, indique Yves Gineste, président de l’association. Et pour les plongeurs expérimentés, il y a évidemment les rebords du Gouf. Mais pour les plongeurs intermédiaires, nous manquons de propositions. Nous avons donc le projet d’immerger un récif artificiel récréatif.»
Les récifs artificiels, la Côte Sud des Landes en compte déjà trois, au large de Capbreton-Hossegor, Soustons-Vieux-Boucau et Messanges-Moliets, grâce à l’association Aquitaine Landes récifs (JdP n° 149). Mais il s’agit de récifs artificiels expérimentaux et productifs, uniquement destinés à développer la faune et la flore marines et à en assurer le suivi scientifique. Leur accès est strictement limité. C’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble des récifs artificiels immergés au large des côtes françaises. «Les récifs artificiels récréatifs, en France, pour l’instant il n’y en a aucun. Le nôtre devrait être le premier !»
Accessible à tous
Baptisé Les Jardins du Gouf, le projet des Aquanautes devrait s’étendre sur 25 hectares, par 20 mètres de fond, à 1,5 mille au large de Capbreton, au sud du Gouf. «C’est une zone où, actuellement, il n’y a rien d’autre que du sable, précise Nicolas Bidou, trésorier des Aquanautes. Mais l’avantage sur ces sols sablonneux, c’est que le moindre habitat est tout de suite colonisé par diverses espèces qui s’en servent de nurserie. C’est comme un palmier au milieu du Sahara : tout le monde se retrouve dessous !»
Le site, accessible à tous, offrirait des avantages multiples aux différents utilisateurs. Les plongeurs y trouveraient bien évidemment un nouveau terrain de jeu pour se former et explorer. L’espace constituerait également une offre supplémentaire originale pour la clientèle touristique. Mais en développant la ressource halieutique, le projet aurait aussi un impact non négligeable sur la biodiversité des fonds marins. Outil de sensibilisation de la population à l’écologie marine, support pour des projets scientifiques et pédagogiques… les utilisations seraient multiples. Quant aux pêcheurs professionnels et plaisanciers, ils profiteraient d’une augmentation du stock de poissons.
Le projet a d’ailleurs reçu un accueil très chaleureux localement et de nombreux particuliers et associations se sont portés volontaires pour aider à sa mise en œuvre. «Cela tombe bien, nous souhaitons en faire un récif participatif !» Que ce soit pour la création et l’immersion des différents modules ou pour le suivi scientifique du récif, tout le monde pourra mettre la main à la pâte. Pour le financement du projet également… «Pour obtenir l’autorisation d’occuper cette concession, nous faisons réaliser une étude d’impact par le cabinet Créocéan que nous remettrons au préfet au mois de mars ou d’avril, reprend Yves Gineste. Et il y aura une enquête publique, probablement cet été. Tout cela a un coût : 25 000 euros que nous espérons réunir via le site de financement participatif Ekosea*.» Les personnes qui voudraient soutenir le projet ont jusqu’au 20 mars pour y faire leur don. En fonction du montant de leur contribution, elles se verront offrir diverses contreparties, de la plongée d’exploration au parrainage d’un module.
Palombière, drakkars et pyramides…
Si tout se passe bien, les autorisations administratives devraient permettre les premières immersions à l’automne ou à l’hiver prochain. «Les Jardins du Gouf seront organisés en six villages aux thématiques différentes, explique Nicolas Bidou. Tout n’est pas encore totalement arrêté, car l’aménagement des 25 hectares se fera en plusieurs étapes et que nous laissons de la place aux suggestions des utilisateurs, mais d’ores et déjà trois pôles ont été définis, avec à chaque fois la volonté de créer quelque chose d’architectural et de conforme à l’identité régionale.»
Les plongeurs pourront ainsi évoluer au sein du village «Forêt» avec ses structures verticales en béton, métal, bois et bambou. Ils y trouveront notamment une palombière. «La hauteur de ces modules permettra de coloniser toute la colonne d’eau et de fixer les pélagiques.» Au sein du village «Epaves», les explorateurs sillonneront entre les carcasses de vieux bateaux… reconstitués. «Il est interdit de couler une épave, même dépolluée. Nous reconstituerons donc des maquettes grandeur nature !» Il y aura notamment un morutier des années 1960 réalisé en ferrociment ou encore des répliques de drakkars en bois, clin d’œil aux incursions Vikings au large des côtes landaises il y a plus d’un millier d’années. Le village «Egypte» sera pour sa part constitué de modules aux formes pyramidales. Certains seront recouverts de panneaux grillagés pour capter les naissains d’huîtres. Entre chaque site, des corridors permettront aux espèces de se déplacer au gré de leurs envies.
Il faudra compter une quarantaine de minutes pour explorer un village. «A terme, il y aura de quoi plonger toute une semaine», s’enthousiasme Yves Gineste en soulignant l’attrait que cela pourrait représenter pour les touristes en quête de nouvelles expériences. Mais il n’y aura pas besoin d’attendre la fin de l’installation pour découvrir les Jardins du Gouf. «On pourra plonger dès l’été 2020 si tout va bien. Cela permettra notamment d’observer les phénomènes de colonisation des différentes espèces sur les structures immergées.»
* https://ekosea.com/fr/crowdfunding/291-les-jardins-du-gouf-capbreton