Plages : les CRS sur la sellette
Rédigé à la demande du chasseur de coûts Jérôme Cahuzac, le rapport de la Cour des comptes sur la surveillance des plages estime que le dispositif actuel des MNS CRS «ne saurait être durablement maintenu».
«Cost killer sans états d’âme», «Moine soldat de la rigueur», les surnoms de Jérôme Cahuzac ne datent pas de mai 2012 et de son accession au portefeuille de ministre du Budget. En décembre 2011, alors président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, il avait demandé à la Cour des comptes de se pencher sur un certain nombre de thèmes intéressant de près la maîtrise des dépenses publiques. Parmi ceux-ci, l’organisation de la surveillance des plages considérée «à travers le dispositif de renforts saisonniers des CRS».
Le rapport sur ce sujet1 a été publié à la mi-novembre. A en juger par les cris d’orfraie poussés par les maires du littoral, et sachant que le commanditaire de l’étude tient aujourd’hui les cordons de la bourse, les qualificatifs énoncés plus haut ainsi que les craintes des élus locaux sont pleinement justifiés. Comme souvent en pareil cas, le concert des réactions couvre le contenu d’un rapport qui, dans la vérité des chiffres, soulève des questions «auxquelles les décideurs publics ne sauraient rester insensibles dans la période de contrainte financière que traverse le pays».
S’il ne méconnaît pas les difficultés des communes à recruter des sauveteurs et des chefs de postes, le rapport s’interroge sur un dispositif «ni régulier ni équitable» qui «ne saurait être durablement maintenu». Il le compare à «une subvention de fonctionnement» aux communes, celles-ci prenant en charge les frais de mission et de transport des MNS CRS mis à disposition, soit pour l’année 2011 une facture de 2 M€ pour les 471 sauveteurs déployés sur le littoral français. Les salaires pour deux mois de présence, soit 4,5 M€, étant supportés par l’Etat.
En dehors de l’approche comptable des renforts saisonniers de CRS qui ont atteint un pic en 2002 avec 722 fonctionnaires mobilisés, le rapport ébranle les bases juridiques du dispositif. Il rappelle que la surveillance des baignades est éloignée des missions premières des CRS, chargés avant tout de maintien de l’ordre et de sécurité publique. Au passage, il balaye les arguments des maires sur les activités d’auxiliaires de police des MNS CRS accueillis à bras ouverts dans les communes littorales pour limiter la «délinquance des sables». Les textes sont formels : «Il convient de rappeler aux maires qu’ils ne sont pas à leur disposition pour renforcer les effectifs locaux de police ou de gendarmerie afin de maintenir l’ordre public pendant la période d’été2».
Pour autant, le rapport mesure objectivement l’activité des maîtres nageurs de l’Etat à l’aune des sauvetages réalisés constatant que sur la côte Aquitaine ils ont davantage traqué les imprudents que joué au gendarme et au voleur. En 2011, 1 000 sauvetages dans les Landes, 451 en Gironde, 400 dans les Pyrénées-Atlantiques. Avec plus de CRS déployés sur sa côte, la Vendée a enregistré huit fois moins de sauvetages, précise la Cour des comptes qui souligne que «la sélection des communes aidées ne répond pas à des critères objectifs».
Enfin, le rapport épingle l’opacité pour ne pas dire le grand n’importe quoi qui préside aux attributions d’effectifs avant chaque saison estivale entre l’action inégale des préfectures et les coups de fil des élus au cabinet du ministre. «Certaines implantations sont maintenues, sans justification connue autre que la seule nécessité supposée de reconduire a minima l’existant. Il est ainsi curieux que trois MNS CRS soient affectés à la surveillance d’un plan d’eau, comme à Meaux, ou à celle d’une piscine, comme à La Courneuve.» Curieux en effet…
1 Dans le même document, la Cour des comptes s’intéresse au fonctionnement du secours en montagne qui met également en jeu la répartition d’un service public entre Etat et collectivités locales et des interventions des CRS et gendarmes «pour une activité de secours à personne étrangère à leurs missions fondatrices».
2 Circulaire 86-204 du 19 juin 1986 du ministère de l’Intérieur.
Les communes littorales contestent