Prestige : le procès a commencé
Dix ans après la marée noire du Prestige, le procès des quatre responsables présumés a débuté le 16 octobre à La Corogne (Espagne). Une délégation landaise a fait le déplacement pour représenter les intérêts des communes côtières sinistrées.
En parlant d'un «procès hors norme» (JdP n° 111), Me Renaud Lahitète ne s'était pas trompé. C'est dans le parc des expositions de La Corogne, spécialement aménagé pour l'occasion, que le procès des quatre responsables présumés1 du naufrage du Prestige, et de la marée noire qui s'en est suivie en novembre 2002, s'est ouvert le 16 octobre dernier. Il fallait bien cela pour accueillir les 2 128 parties civiles, 51 avocats, 28 avoués, 133 témoins et 98 experts appelés à intervenir durant ce procès fleuve prévu pour durer jusqu'à fin mai 2013. «La salle a été aménagée comme un amphithéâtre, raconte l'avocat qui a défendu depuis l'origine les intérêts du Syndicat mixte de protection du littoral landais (regroupant le Conseil général et 17 communes côtières). Au centre, une scène accueille la salle d'audience. Une table en forme de fer à cheval est occupée par les juges, avec les avocats de part et d'autre. Les accusés font face au président, et le public est installé dans les gradins.»
Bien qu'il ait passé la main à ses confrères espagnols, Me Lahitète a tenu à faire le déplacement en Galice pour le premier jour d'audience, accompagné par Hervé Bouyrie, au nom du Conseil général et du Comité départemental de tourisme, et Jean-Yves Montus, en tant que président des maires des Landes.
«Personnellement, cela m'a permis de faire un dernier point avec mes confrères sur les éléments du dossier. Mais au-delà, nous nous devions d'être présents pour montrer l'importance que nous attachons à ce procès. Le département a vécu cette catastrophe douloureusement. En nous déplaçant, nous marquons, vis-à-vis de la juridiction, notre volonté que les responsabilités soient établies.»
2 M€ pour préjudice moral et d'image
L'audience du 16 octobre a démarré à 9h30 et s'est poursuivie sans interruption jusqu'à 14h. «Le président de séance a fait un rappel des faits et donné lecture des chefs d'accusation. La parole a ensuite été donnée au ministère public espagnol. Puis les avocats ont successivement pris la parole, de manière relativement succincte, pour préciser leurs demandes et indiquer les moyens sur lesquels ils les fondaient.» A noter qu'en plus des 800 000 € d'indemnités réclamés au titre des dommages matériels, les défenseurs du Syndicat mixte de protection du littoral landais ont demandé 2 millions d'euros pour préjudice moral et d'image. «Suite à la marée noire, nous avons subi des aléas pendant de longs mois, tant au niveau du fonctionnement des communes qu'en matière d'incidence sur le tourisme», justifie Hervé Bouyrie.
Cette première journée constituait une sorte de préambule au procès qui débutera réellement le 13 novembre prochain avec les auditions des accusés, dix ans jour pour jour après le premier appel de détresse lancé par le pétrolier. Dans l'intervalle, le tribunal discutera de la recevabilité ou non des preuves qui fondent le préjudice des différentes parties. Il se prononcera également sur les demandes particulières. «Hervé Bouyrie et moi-même avons demandé à être auditionnés comme témoins, indique Jean-Yves Montus. Nous espérons que notre témoignage pourra être entendu par le juge pour bien faire comprendre ce que le département et les communes littorales ont enduré suite à la catastrophe.» Les deux élus devraient être fixés sur la question à la reprise du procès.
1 Quatre hommes sont poursuivis : le directeur de la marine marchande espagnole de l'époque, José Luis Lopez Sors, le commandant grec du navire, Apostolos Mangouras, le chef mécanicien, grec lui aussi, Nikolaos Argyropoulos, et le commandant en second du Prestige, le Philippin Ireneo Maloto. Ce dernier étant actuellement en fuite, il sera jugé par contumace.
Sur la catastrophe du Prestige, relire nos anciens articles à partir du n° 53 janvier-février 2003 sur le site du journal : www.jdplandes.info
Photo : Me Renaud Lahitète (à droite) et son confrère espagnol devant le parc des expositions de La Corogne au premier jour du procès.