Ostréiculture : saga familiale
Sur le lac d’Hossegor, la famille Labarthe élève des huîtres depuis quatre générations.
Le lac d’Hossegor abrite les concessions de six ostréiculteurs. Le 27 octobre, la Société des propriétaires de Soorts-Hossegor (SPSH) a permis à une trentaine de ses adhérents de découvrir l’une d’entre elles, celle exploitée par Henri et Christine Labarthe. Dans la famille, on est ostréiculteur de père en fils depuis quatre générations. Les époux sont donc bien placés pour parler d’un métier qui les passionne.
Chez les Labarthe, tout a commencé avec Bernard au XIXe siècle. Né en 1853, l’arrière-grand-père (qui vivait dans la ferme de Bielle actuellement en rénovation, lire en page 10) était gardien de parc sur le lac pour le comte de Missilac (Loire-Atlantique). Au début des années 1900, une grave épizootie décima toutes les huîtres, et le comte repartit dans son village d’origine, emmenant son ouvrier avec lui. Entre-temps, en 1893, Bernard avait eu un fils, Henri-Bertrand, qui fut également du voyage. Après la Première Guerre mondiale, pendant laquelle il fut blessé, ce dernier décida de rentrer au pays et à son tour se tourna vers les huîtres, travaillant au service d’autres ostréiculteurs. Son fils André, né en 1924, suivit le même chemin. Henri, né en 1955, lui aussi a voulu suivre la voie familiale. Mais contrairement à ses aïeux, il souhaitait avoir une concession à lui. Il a donc attendu que l’une d’entre elles se libère, et s’est installé avec sa femme en 1993.
Depuis, chaque jour, le couple vit pour le lac et ses délicats coquillages. Les lundi, mardi et mercredi sont consacrés exclusivement au travail sur les parcs. Le jeudi, Henri vend sa marchandise sur les marchés, tandis que Christine s’occupe de la comptabilité. Le vendredi et le samedi sont dévolus à la préparation des marchés du dimanche (Anglet, Hossegor et un point de vente à Dax). Vu ainsi, les semaines semblent se suivre et se ressembler. Mais au fil des saisons, le travail est bien différent.
Tout commence en août, époque à laquelle les huîtres pondent. Des larves microscopiques se forment et flottent dans l’eau pendant une quinzaine de jours. Secrétant une sorte de colle, elles s’agrippent ensuite à tout ce qui leur semble solide. Pour en récupérer le plus possible, les Labarthe utilisent des capteurs plénos, sortes de cagettes pourvues de croisillons sur lesquels se fixent plusieurs milliers de larves. «Cette année, la ponte a été exceptionnelle», note Henri. De par sa forme, le lac constitue naturellement un espace protégé qui permet une reproduction optimum. Au fil des mois, les larves vont se transformer en petits coquillages. En mars, sonne l’heure de les détacher des plénos. «A l’aide d’un maillet, on tape doucement sur les capteurs pour les faire tomber.» Les mini huîtres sont alors mises dans des poches dotées de toutes petites mailles (3 mm) afin d’éviter que les crevettes ne les mangent. Deux mois après, quand elles ont pris du volume, les poches sont dédoublées. Encore deux mois plus tard, vient le moment de les passer à la cribleuse. «Cette machine permet de les tamiser et de les calibrer.» Suivant leur grosseur (14, 9 ou 4 mm), elles sont placées dans des poches différentes. L’homogénéité est importante afin que le développement des coquillages soit le même. Les ostréiculteurs les laissent prendre du volume jusqu’après l’été, moment où ils redédoublent de nouveau les poches, et vérifient que les huîtres sont bien à l’unité (et pas agglomérées avec d’autres).
Elles pourraient ensuite rester tranquilles jusqu’au mois de février, où un nouveau dédoublage des poches est nécessaire, mais c’est sans compter la descendance ! En effet, en août, une nouvelle ponte a eu lieu, et les larves, qui ne sont pas assez disciplinées pour aller toutes s’installer sur les plénos, se sont fixées un peu partout, et notamment sur leurs congénères des années précédentes. Pour les détacher, plusieurs techniques existent. Les Labarthe, eux, «brûlent tout le parc». Cette technique complexe, qui leur a demandé cinq ans avant de bien la maîtriser, consiste à plonger chaque poche d’huîtres (il y en a près de trois mille dans la concession) pendant quelques secondes dans de l’eau chauffée entre 85 °C et 95 °C. «Cela demande beaucoup de précision, mais aujourd’hui, nous arrivons à nous débarrasser des larves indésirables à 95 %.»
Pour arriver à maturité, une huître doit passer environ quatre ans dans le lac. Mais une dernière étape est nécessaire avant qu’elle ne soit mise sur le marché : le passage en bassin de purification. Si les eaux du lac étaient classées en catégorie A (très peu d’endroits le sont tant les normes sont restrictives), elles pourraient être vendues directement. Mais comme il est classé en catégorie B, elles doivent passer quarante-huit heures dans l’eau purifiée (eau du lac dont le sable a été filtré et qui est passée sous des lampes à ultraviolet) de la station du fond du lac.
Après ce dernier bain, les coquillages peuvent prendre le chemin des étals. «Bien charnues et bien pleines, les huîtres d’Hossegor sont aussi plus iodées que celles de Marennes-Oléron», affirme Christine.